19 Jul
Où est la modernité ?

Depuis le début des années 1970, les tenants d'une vision libérale de l'ordre économique et social ont imposé leur perversion des mots qui fondaient précédemment le discours progressiste. Accaparer les mots de l'autre, c'est refuser de lui laisser la propriété exclusive de ceux-ci, c'est se mettre en capacité de détourner ses mots pour mieux dénaturer sa pensée, l'en déposséder, troubler la perception de son univers par tout un chacun. C'est ce qu'ont compris les partisans de la « révolution conservatrice » il y a maintenant 40 ans. 

En pervertissant les mots, il s'agit d'inverser la perception du rapport politique et social. Soudain les tenants de l'ordre établi deviennent les partisans du mouvement, et vice et versa. 

Étrangement, pour les tenants de la « révolution conservatrice », conservateurs ils ne sont pas, conservateurs sont celles et ceux qui, au sortir des années 1930 et du 2nd conflit mondial, ont défendu un compromis social marqué par les idéaux de la Résistance, une République démocratique, sociale et solidaire si ce n'est totalement égalitaire.


C'est une première perversion de mot qui en sera suivie d'autres dont la moindre n'est pas celle du mot réforme, à tel point que nous som-

-mes placés en situation,obligés aujourd'hui, de qualifier de « contre réformes » les prétendues « réformes » actuelles, remises en cause profondes des conquêtes sociales, conquêtes du genre humain qui constituaient bien, quant à elles, des « améliorations » nées des luttes du monde du travail. D'ailleurs les conservateurs de tous bords ont également substitué dans le discours dominant la valeur travail, évaluable moralement, à la notion d'exploitation des capacités productives d'une majorité au profit d'une minorité d'entre ces humains.

Il n'en reste pas moins que, dans le langage et l'univers de ces conservateurs libéraux, figure un référentiel de mots que nous leur avons jusque là concédé et qu'il nous faut peut-être savoir à notre tour pervertir, c'est-à-dire sortir de ce référentiel pour mieux leur faire porter les potentialités d'un autre discours. 

Ainsi la modernité serait l'apanage des libéraux. Elle le serait contre la ringardise supposée des partisans d'une société où la recherche de l'égalité et l'intérêt commun commanderaient aux intérêts particuliers. 

La « modernité », c'est ce qui s'oppose à ce qui est « ancien », c'est ce qui est « actuel », c'est ce qui s'oppose à la « tradition », c'est la « nouveauté ». On mesure déjà la confusion sémantique entre ce qui est actuel, parce que s'opposant à un passé même récent, et ce qui est nouveau, inédit dans l'Histoire.    

Est-ce donc bien nouveau, parce qu'effectivement actuel, de concentrer la richesse, le pouvoir économique et politique, le pouvoir médiatique, entre les mains d'une minorité au détriment de la grande majorité ? 

A contrario, est-ce bien conservateur de revendiquer un autre partage de la richesse, une fiscalité progressive et redistributrice, une dépense publique au profit d'investissements collectifs et profitant à l'intérêt commun ? Est-ce si ancien et si présent dans l'Histoire de nos sociétés dites « modernes » ?

Autrement dit, la modernité, n'est-ce pas plutôt toutes ces nouveautés à l'échelle de l'histoire de l'humanité et des peuples que sont la retraite par répartition, la protection sociale pour toutes et tous, les services publics – patrimoine de ceux qui n'en ont pas ? N'est-ce pas l'hôpital public et l'accès pour toutes et tous à un enseignement de l'école maternelle à l'université sans contrainte d'argent ? 

Le conservatisme, le seul, le retour au passé, celui séculaire, même s'il déguise sous des habits neufs des oripaux rapiécés, n'est-ce pas celui qui remet en cause tous ces progrès en prétendant qu'ils sont les fruits des rigidités d'une Histoire pourtant bien récente ? 

Le prétendu moderne sait également par définition s'appuyer sur les évolutions techniques pour faire croire au progrès partagé. Mais les NTIC et la dématérialisation constituent-elles bien une modernisation de l'action publique lorsqu'elles se traduisent par l'éloignement du service public et la déshumanisation des rapports avec les citoyens et les usagers, par un désengagement de l’État au détriment des missions de service public et de la collectivité ? 

Le mouvement aujourd'hui, c'est le camp du progrès social parce que c'est celui qui porte la modernité. La modernité, c'est le service public ; la modernité, c'est la protection sociale solidaire ; la modernité, c'est la retraite par répartition.      

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